Quentin Dumontet

Étudiant à l’IUT Bordeaux Montaigne en situation de handicap

Qui es-tu ?

Je suis Quentin Dumontet, j’ai 23 ans et suis étudiant en BACHELOR Carrière social à l’IUT Bordeaux Montaigne. Je suis en situation de handicap, voici mon témoignage.


Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est l'IMC et comment cela affecte votre vie au quotidien ? 

L'IMC, ou Infirmité Motrice Cérébrale, est une condition qui affecte mon cerveau, entraînant des répercussions sur l'ensemble de mon corps. En d'autres termes, certaines parties de mon cerveau ne fonctionnent pas correctement, voire n'existent pas. Ce qui entrave les connexions neuronales et rend la communication entre mon cerveau et mon corps difficile, voire impossible. Cette situation se traduit par des difficultés à bouger, parler ou même à être en mouvement, d'où ma dépendance à un fauteuil roulant.

Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confronté en raison de votre IMC ?

J’ai d’abord une vie normale, j’ai un appartement, je vais passer le permis, je sors le soir, et même, je travaille pour mes études. C’est difficile, mais il faut le faire si on veut être actif socialement, même si c’est compliqué. Moi, j’ai de la chance parce qu'à ce niveau-là, j’ai ma famille qui est très présente. J’ai eu un très bon suivi médical, de très bons entraînements et suis assez autonome.

Comment gérez-vous les aspects de votre santé physique et mentale en tant que personne atteinte d'IMC ?

J’ai beaucoup de rendez-vous médicaux, par exemple tous les 3 mois, on m’injecte des toxines dans les jambes. Ce sont des piqûres dans les jambes qui vont détendre les muscles. Je prends aussi un traitement quotidien pour détendre mes organes internes notamment ma vessie éviter qu’elle se referme afin de ne pas avoir de problèmes de fuite.

Quels sont les types de soutien et d'assistance dont vous avez besoin au quotidien ?

Pratiquement aucun. Pendant 8 ans, j'ai été accompagné à l'IEM de Talence, un Institut d'Éducation Motrice, entouré d'individus dans la même tranche d'âge que moi, de 15 à 25 ans. Je suis entré dans cet institut à l'âge de 14 ans, où j'ai appris à gagner en autonomie et à assumer mes responsabilités. Actuellement, j’ai un médecin généraliste à disposition et une assistante sociale. Je vis tout seul, j’ai un appartement en cité étudiante… Une aide ménagère vient chez moi une fois par semaine pour m'aider dans les tâches domestiques. Bien qu'il existe des aides financières pour couvrir ces besoins, je navigue entre des aides insuffisantes et des revenus limités, rendant le financement de mes besoins un défi constant.

Comment votre entourage, y compris votre famille et vos amis, vous soutient-il dans votre vie avec l'IMC ? Mes parents ont joué un rôle bien au-delà de m'accompagner à mes rendez-vous médicaux. Dans les années 2000, on semblait davantage adopter une attitude du genre "donnons-leur des médicaments et attendons que ça s'arrange", mais mes parents ont refusé cette vision pessimiste. On leur a dit que je ne marcherai jamais et qu'il serait peut-être préférable que je ne fréquente pas l'école, car cela risquerait de me fatiguer. Pourtant, ce sont eux qui m'ont encouragé à pratiquer de nombreuses activités physiques dès mon plus jeune âge afin de développer mes membres. Ce sont mes parents qui m'ont inscrit à l'école, qui m'ont emmené voir les médecins, qui m'ont encouragé à faire du sport. Finalement, c'est grâce à eux que j'ai été poussé à bouger, et ensuite j'ai trouvé la motivation de le faire de moi-même. J'ai décroché mon bac à 17 ans, je parle couramment trois langues et je travaille en parallèle dans des associations en tant que photographe. Je parviens à jongler avec tout cela, même si cela représente un défi épuisant pour moi. C'est une source de fierté personnelle.

Quels sports avez-vous eu l'occasion de pratiquer par le passé et lesquels pratiquez-vous actuellement ? Mes parents ont toujours été très actifs dans mon développement physique. Dès l'âge de 4 ans, ils m'ont encouragé à participer à diverses activités sportives, dont le "paddling", une méthode recommandée par un pédiatre spécialisé. Cette approche consistait à me stimuler intensément dès mon plus jeune âge, ce qui signifie que dès l'âge de 4 ans, je rampais et faisais des tractions. J'ai même participé à un marathon avec un athlète, étant poussé dans une grande poussette par mon père. Il fabriquait également des vélos sur mesure avec de grandes roues pour que je puisse m'asseoir confortablement dessus, comme sur une moto. Plus tard, j'ai pratiqué le basket pour apprendre à manœuvrer mon fauteuil roulant avec dextérité. Enfin, j'ai découvert la natation, dans laquelle je me suis épanoui et j'ai même participé à des championnats de France handisport.

Je me suis passionné pour la photographie il y a quatre ans, développant un intérêt pour la technique pendant mes études en cinéma. Après les avoir quittées, j'ai utilisé la caméra de ma mère pour capturer des moments en vacances, puis je me suis aventuré dans les portraits et autoportraits. Cela m’a conduit à photographier d'autres personnes, notamment une amie mannequin. Nous avons commencé à collaborer ensemble, puis j'ai décidé d'aller dans la rue pour demander aux passants s'ils acceptaient d'être photographiés. C'est ainsi que tout a commencé, et maintenant, je photographie des festivals, des concerts, ce qui est une expérience très enrichissante pour moi.


Avez-vous rencontré des obstacles ou des préjugés en raison de votre IMC dans la société ? Comment les avez-vous surmontés ? Moins maintenant, mais lorsque j'étais plus jeune, les gens pouvaient parfois être très directs. Ils pensaient que j'étais fragile en raison de ma condition. Certes j’ai des faiblesses comme l'incapacité de marcher et des antécédents d'asthme. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que je suis aussi fragile qu'on pourrait le penser, au point d'être considéré comme une personne qu'on craint de briser si jamais je tombe. J'ai aussi dû faire face à des préjugés, surtout quand j'étais enfant et que je fréquentais une école en milieu rural, où j'ai été victime de harcèlement.

Cependant, récemment, je n'ai pas rencontré de discrimination directe, mais plutôt des préjugés banalisés. Par exemple, lors d'un voyage d'étude, le corps enseignant a prévu un véhicule adapté et une valette pour une randonnée en montagne. Ils m'ont quand même demandé : "Est-ce que tu peux t'asseoir par terre sans rien ?" Ils se demandaient s'ils devaient prévoir un autre fauteuil roulant. Je dois admettre que je ne me rends pas compte que ce soit flou pour eux et qu’ils ne sont pas informés de mes capacités. 

Désormais, je fais partie d'une génération plus affirmée, qui s'impose davantage et qui a commencé à s'engager activement, notamment en allant à l'école. Récemment, j'ai participé à une association dans une école pour sensibiliser les enfants de 6 à 10 ans à une alimentation saine. Je m'attendais à recevoir des regards interrogateurs et des questions, mais rien de tel ne s'est produit. Pour eux, tout était normal. La seule remarque que j'ai eue à la fin était : "J'aime bien ta moustache". Au début, cela m'a surpris car j'ai l'habitude d'être au centre de l'attention, mais cela m'a fait du bien de voir que ma présence était acceptée sans jugement.

Enfin, quel message ou conseil aimeriez-vous transmettre aux autres personnes atteintes d'IMC ou à leurs proches ?

Le handicap est le grand sujet de ma vie. Je le porte sur le visage, il est visible, notamment parce que je suis en fauteuil roulant. Donc, oui, j'ai toujours été concerné et impliqué dans le handicap, que je le veuille ou non. Au fil du temps, ma vision du handicap a évolué. Avant, j'étais frustré et en colère, mais finalement, cela ne sert à rien. La plupart du temps, les gens ne sont pas en mesure de comprendre ma situation, ils vont simplement se dire "oh, le pauvre". Personnellement, je considère plutôt que j'ai de la chance de pouvoir relativiser, de ne pas accorder trop d'importance à mon handicap et de me concentrer davantage sur ce que je veux faire, et c'est plutôt cool.

Ce qui est le plus important, c'est que depuis mon enfance, on m'a toujours dit : "tu es comme les autres", alors que ce n'est pas vrai. Je ne peux pas être comme tout le monde, ce n'est pas possible. C'est là que réside la plus grande différence entre le handicap et toutes les autres formes de discrimination : cela crée une distinction alors que nous restons tous des êtres humains, même si je suis réellement différent. J'ai littéralement des lésions cérébrales. Quand on dit que je suis différent, oui, c'est vrai, et c'est ce que j'essaie de faire comprendre. Mais ce n'est pas grave. J'ai rencontré beaucoup de personnes qui ont essayé de m'inclure en disant "tu es comme nous", mais ce n'est pas le cas. Penser de cette façon est totalement absurde, car cela vous expose au danger et vous plonge dans le déni. Je suis différent, il y a des choses que je ne peux pas faire et que je ne pourrai jamais faire, et c'est OK. Il est temps de cesser de considérer la différence comme un problème.