William Theviot

Pianiste

Pianiste posant ses mains sur son piano

Avez-vous réalisé des performances dernièrement ?

Oui quelques-unes oui. Là on était en mars c’est ça ? Qu’est-ce que vous avez vu ?

Vous avez fait des interventions, pas forcément pour jouer, par exemple pour la journée de l’autisme ?

Hier oui, je suis passé sur O2 Radio, c’est à Cenon.

Vous vivez de ça ?

C’est ma seule occupation professionnelle, je ne peux pas dire que je vis de ça parce que je vis chez mes parents à Merignac.

Et votre conservatoire est ici ? Vous y êtes encore ?

Non j’y suis plus, j’ai été diplomé en 2015 du conservatoire de Bordeaux mais je vais faire des représentations dans d’autres conservatoires comme à Rochefort, Angoulême Mérignac…

Vous êtes amené à voyager ?

Je voyage de temps en temps, en Suisse au début puis j’ai fait la Corée du Sud, Pologne, Maroc mais surtout en Corée du Sud, c’était le plus significatif.

Il y a ce côté musique que dont on vous parle depuis le début mais depuis quand cette passion pour la musique prend-elle une place importante dans votre vie ?

Ça a été progressif, c’est ma seule façon pour communiquer extérieurement, socialement verbalement. Si je n’avais pas la musique je ne connaitrais personne et j’aurais pas d’activité interpersonelle, avec d’autres individus que moi. Et puis c’est aussi quelque chose que j’aime bien exprimer. La contre-culture de la musique classique et c’est quelque chose sur lequel j’ai focalisé pas mal de choses.

Dans la musique il y a tellement de choix, pourquoi c’est le piano que vous avez choisi ?

Bah le piano c’est un instrument qui permet de faire la synthèse de plusieurs choix

c’est un orchestre miniature d’une certaine facon, c’est un instrument qui permet d’être un peu autonome. 

Autonome dans la façon de s’exprimer ou plus dans la façon de jouer ?

Dans la façon de s’exprimer et de jouer ouais et d’être indépendant musicalement 


Est-ce que c’est un thème que vous abordez (la musique) ?

Alors il y a un mot que j’aime bien en philosophie on parle de démiurge, on dit on refait le monde on parle entre personnes de refaire le monde : un instrument de musique permet de refaire le monde au niveaus de toutes ces touches musicalement.

Le mot de démiurge c’est quelqu’un qui refait un monde qui a sa cohérence un peu comme une fourmie en dehors de la fourmilière qui a tout son écosysteme propre qui correspond pas à un extérieur mais qu’on peut considérer comme tout un écrin, comme toute une maison de poupée qui a sa pertinence mais qui n’est pas viable apparemment socialement 

quand on est inadaptés et bah au moins on peut trouver son adaptation dans voilà je vais recréer son monde qui a sa pertinence qu’on peut apprécier en tant que tels même si il le sociabiliser à une echelle moindre, qui est quand même un petit monde.

Vous avez dit un mot : « inadapté », est-ce que vous vous définissez comme tel ?

Il semblerait oui que je sois pas adapté à un environnement, un biotope qui est celui que je connais ou que je fréquente ou bien que ce biotope ne soit pas tolérant pour moi ou pour des gens comme moi variablement.

Que pensez-vous de la représentation des personnes en situation de handicap dans les médias ?

Ce sont souvent des caricatures, soit des personnes qui sont savantes mais on ne montre pas le supplément d’âme qui peut être chez une personne porteuse de cette forme d’autisme. On va montrer ce qui fait sensation.

En fait, il y a pas de fond, il y a beaucoup de choses qui sont présentées sur la forme.

Il y a des angles, des axes qui sont valorisés mais il y a pas d’articles de fond à mon humble avis.

Est-ce que vous trouvez que la nouvelle génération est plus engagée dans ces sujets-là ?

Pas vraiment non, sur ce qui relève du genre, ça c’est surinvesti ; de la diversité et de la différence sur les personnes qui se sentent pas du sexe avec lequel ils sont nés, ça effectivement on entend beaucoup beaucoup parlé c’est très investi à cet égard-là.

Mais le handicap j’ai pas l’impression tant que ça.

Et j’ai vu aussi que vous aviez un groupe dans une association de musiciens est-ce que cela vous a aidé ?
C’est pas des musiciens c’était ce qu’on appelle un GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle). Et ça vous a aidé ?

Non pas vraiment. Il y a eu une page en 2020 sur Sud-Ouest, le 6 janvier 2020, à ce propos. Parce que j’était pas resté président, parce que ça correspondait pas à ce que j’attendais. 

Est-ce que vous avez des objectifs, des projets qui seraient liés sur cette cause ?

Je suis un peu moins impliqué depuis un an et demi, maintenant j’ai levé un peu le pied. Après ça n’empêche pas que, effectivement, j’aime bien en particulier faire des concerts qui ont du sens. Par exemple j’ai proposé à l’aéroport de Merignac d’organiser une représentation dans le cadre du mois de l’autisme. Ce serait le 24 avril de façon à exprimer le fait qu’il y aurait des personnes autistes dans un aéroport qui sont anxieuses dans des situations d’attentes, dans des files, avec des bruits aéroportuaires, d’aérogares qui sont anxiogènes. Du coup normalement le 24 avril il y aurait trois représentations.

Donc voilà j’ai levé le pied sur ça mais j’aime bien faire des représentations qui sont contextualisées, personalisées, qui sont pas duplicables d’un endroit à un autre.

Est-ce que tu parviens à vivre de cette passion ?

Le mot « vivre » je le considère pas sur le sens d’avoir le capital financier suffisant pour être capable de se remplir le ventre un minimum, je n’ai pas ce problème-là, je suis géré par mes parents.

Ma vie je ne la vois que par une activité musicale, artistique et culturelle, c’est ça qui me fait vivre, c’est aussi important que de manger, c’est indispensable.

J’ai pas le choix à vrai dire. Bien que je me sente exclu et rejeté, j’ai pas le choix de faire autre chose que de voir comment je pourrais perdurer, être encore là, encore et encore, de façon à faire entendre ce que je propose musicalement, c’est la seule chose qui me fait vivre, qui me fait vivre de façon essentielle, je vois pas ce que je ferais d’autre.

Et vous avez essayé un peu d’autres arts ?

Par l’écriture, le bouquin que j’ai sorti, qu’on m’a proposé de sortir. Vu que la littérature est une forme d’art. Et puis ce qui est audiovisuel d’une certaine façon, avec mes modestes vidéos YouTube, y’a un côté un peu esthétique, mais c’est vraiment essentiellement musical.

On trouvé dans nos recherches que les personnes atteintes d’autisme ou n’importe quel autre type de handicap sont souvent des autistes dans, soit la musique, soit le dessin ou encore la littérature. Est-ce que c’est quelque chose vous remarquez aussi ou pas ?

Oui, j’ai essayé d’entrer en contact avec des associations notamment, à cet égard-là, à Mérignac, j’ai vu que il y en avait une qui s’appelait Art’teliers si ça vous interesse. 

Il y a des radios de personne handicapées psychiques. Je sais pas qui c’est qui les gère, c’est peu être comme dans un GEM. 

Y a-t-il une oeuvre que vous aimez jouer au piano ?

Moi j’aime bien les œuvres d’expression romantique et j’aime bien relever des profils atypiques de compositeurs ou compositrices un peu différents. Je parlais tout à l’heure de contre-culture dans les musiques actuelles, j’aime bien les musiques underground en musique classique et des compositeurs dont les profils peuvent raisonner de loin avec ce qui me parle, et ce qui peut parler à des personnes comme moi.

Vous avez un exemple d’artiste underground ?

Par exemple des compositeurs comme Gabriel Dupont qui a vécu sur le bassin d’Arcachon qui avait la tuberculose, il a composé les heures dolentes sur les étapes de sa maladie.

Il y a eu un compositeur qui a été exclu du conservatoire de Bordeaux dans les années cinquante, il était homosexuel : Jean-Pierre Rivière. Il est né à Mérignac, j’aimerais bien trouver des partitions et les partager à la ville de Mérignac et les interpréter. 

Hermann Cohen il était sur la rive droite de Bordeaux, c'était un moine, c’était d’abord un compositeur devenu moine. 

Vous ressentez toutes ces spécificités dans leurs morceaux ? 

Alors Jean-Pierre Rivière je peux pas le savoir parce que j’ai pas de partitions. Gabriel Dupont, oui, je ressens qu’il y a un post-traumatisme sensible et vraiment alors j’aime pas le mot fragile mais voila c’est comme une feuille qui craquelle c’est plein de charme.

Est-ce que tu montres à ceux qui t’écoutent que tu es autiste ? Est-ce que c’est grave s’ils ne le perçoivent pas ?

Non c’est pas grave s’ils le perçoivent pas, sinon souvent dans les conférences j’essaie d’évoquer cela discrètement avec une certaine adresse de façon à ce qu’il y ait une connotation d’ouverture, ce qu’on appelle d’inclusion, que ce soit pas un concert neutre dans son propos, qu’il y ait un minimum de vocation socialement inspirante [...] Je pense que c’est important parfois de décomplexer des personnes qui pourraient se sentir pas à leur place et de se sentir représenté. 

Qu’est-ce que vous vous seriez dit au vous plus jeune, qu’est-ce que tu aurais eu besoin d’entendre ou qu’est-ce que tu aimerais te dire si tu te voyais plus jeune ?


Je dirais que la qualité qu’on propose n’est pas forcément proportionnelle à ce qui va être éventuellement reçu, mais parfois il y a des temps qui ne sont pas assez mûrs pour entendre quelque chose. Très délicat à expliquer.

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